Pièce inutile mais exigée : peut-elle interrompre l’instruction d’un permis de construire ?

Publié par FFSEO750115 le

Le Conseil d’État, dans une décision récente (CE, 4 février 2025, Commune de Contes, n°494180), vient de clarifier une règle clé en matière de délai d’instruction des autorisations d’urbanisme.

Une pièce inutile mais prévue par le code de l’urbanisme peut-elle interrompre l’instruction d’un permis et empêcher la naissance d’un permis tacite ?
La réponse est oui. Une décision qui a des implications majeures pour les pétitionnaires et les collectivités. Décryptage.

Ce que dit la loi sur le délai d’instruction des permis de construire

En principe, lorsqu’une demande de permis est déposée, l’administration dispose d’un délai pour instruire le dossier.

  •  Sans réponse dans les délais, un permis tacite naît automatiquement (L. 423-1 et R. 423-38 du code de l’urbanisme).

  •  Mais ce délai peut être interrompu ou prorogé dans certains cas :
    – Une demande de pièces complémentaires exigées par le code (R. 423-39 C. urb.)
    – Une majoration du délai d’instruction (consultation obligatoire d’un organisme) (R. 423-18 C. urb.)
    – Une modification substantielle du projet par le demandeur (CE, 1er déc. 2023, Commune de Gorbio, n°448905)

La décision du Conseil d’État : une pièce inutile peut interrompre l’instruction

L’affaire :

 L’administration a demandé un document prouvant qu’un défrichement était autorisé.
– Sauf que le projet n’était pas soumis à défrichement !
– Pourtant, cette demande a interrompu le délai d’instruction, empêchant la naissance d’un permis tacite.

 Autrement dit, même une pièce inutile mais exigée par le code peut bloquer l’instruction !

Réf. : CE, 4 février 2025, Commune de Contes, n°494180

Pourquoi cette décision ?

Le Conseil d’État simplifie la règle en considérant que l’administration n’a pas à justifier l’utilité d’une pièce si elle est prévue par le code.

  • Avantage : Évite des débats interminables sur la validité des demandes de pièces.
  • Inconvénient : Cette interprétation peut permettre à l’administration d’interrompre l’instruction de façon dilatoire.

 Réf. : CE, 24 octobre 2023, Chambon, n°462511

Conséquence pour les pétitionnaires : gare aux délais !

 Attention ! Si l’administration vous demande une pièce prévue par le code, même si elle est inutilisable pour votre projet, vous devez impérativement la fournir.

À défaut, votre délai d’instruction sera prolongé, retardant votre projet.

 Stratégie à adopter ?
– Toujours vérifier la liste des pièces exigibles dans le code de l’urbanisme avant de déposer un dossier !

Réf. : CE, 9 décembre 2022, Commune de Saint-Herblain, n°454521

En contentieux : la commune peut-elle modifier son argumentation ?

Lorsqu’un permis est refusé, peut-on modifier les motifs du rejet devant le juge ?

La réponse est oui !

Le Conseil d’État confirme qu’une commune peut invoquer une substitution de motifs en cours de contentieux, même si elle ne les avait pas mentionnés dans sa décision initiale.

Réf. : CE, 25 mai 2018, n°417350 (Préfet des Yvelines)

Ce qu’il faut retenir

  1. Une pièce inutile mais exigée par le code interrompt bien le délai d’instruction.
  2. En contentieux, la commune peut modifier son argumentation devant le juge.
Catégories : Urbanisme