Greencode Avocats participe à la consécration du droit à un environnement sain comme Liberté Fondamentale – CE, 20 septembre 2022, 451129 – Interview Le Moniteur
Publié par mzoughih le
Le référé-liberté pour préserver l’environnement : « Un bel outil pour les générations futures », Héloïse Aubret, avocate
Le « droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » protégé par la Charte de l’environnement vient d’être érigé en liberté fondamentale par le Conseil d’Etat. Cette consécration permet d’actionner le dispositif du référé-liberté et « d’éviter des destructions irréversibles pour l’environnement », par exemple lors de travaux qui portent atteinte à des espèces protégées. Analyse avec Héloïse Aubret, avocate en droit de l’environnement, qui avait porté l’affaire devant le tribunal administratif.
Dans quel contexte est parue cette décision (1) ?
Les travaux ne nécessitaient-ils pas l’obtention préalable d’une dérogation espèces protégées ?
Le département avait préalablement réalisé un diagnostic environnemental sur la sensibilité du milieu naturel, notamment biologique, et a conclu qu’aucun enjeu de conservation notable n’avait pu être identifié. Le préfet a donc autorisé les travaux (déclaration au titre de la loi sur l’eau et autorisation de défrichement, NDLR) et n’a pas demandé au département de déposer un dossier de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.
Pourquoi les requérants n’ont-ils pas dans ce cas attaqué l’autorisation de travaux ?
Par manque d’informations. Pour pouvoir contester un arrêté préfectoral, il faut regarder tous les jours les actes qui paraissent. Et puis, demander au préfet d’imposer une dérogation à l’interdiction de détruire des espèces protégées aurait pris du temps, puisqu’il aurait été probablement nécessaire d’attaquer son refus et aurait été finalement inutile. En matière de protection de l’environnement, il faut agir vite car les dégâts causés sont irréversibles. Dans cette affaire, les travaux étaient en cours dans la haie, en pleine période de nidification, d’où l’intérêt de pouvoir actionner le référé-liberté (le juge doit se prononcer dans les 48h, NDLR) pour préserver l’environnement.
La Haute assemblée a censuré la décision du tribunal administratif et a estimé que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé présente le caractère d’une liberté fondamentale, permettant d’actionner le référé-liberté.
La décision rendue par le Conseil d’Etat marque-t-elle une réelle avancée pour la protection de l’environnement ?
Oui, c’est une excellente chose et un bel outil pour les générations futures. Cela dit, il était temps ! Jusqu’à présent, il n’existait pas de procédure d’urgence lorsque des travaux publics portaient atteinte à l’environnement. Seul le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l’avait reconnu en 2005 (TA Châlons-en-Champagne, 29 avril 2005, n° 0500828, 0500829, 0500830), mais depuis, aucune juridiction ne l’avait, semble-t-il, suivi.
Doit-on s’attendre à une avalanche de référés contre les projets de construction/d’aménagement ?
Précisons tout d’abord que le référé-liberté ne sera possible qu’à l’encontre des décisions ou des actions des personnes publiques ou de personnes privées chargées de la gestion d’un service public ou qui construisent un ouvrage public. Mais par ricochet, le référé-liberté pourrait aussi impacter les entreprises qui réalisent les travaux.
En pratique, ce référé-liberté va trouver à s’appliquer lors de travaux qui détruisent des espèces protégées. Je pense qu’il y aura effectivement beaucoup de recours en ce sens. Mais les conditions posées par le Conseil d’Etat sont très restrictives, et les chances de succès ne sont pas garanties.
Quelles sont ces conditions précisément ?
Il faut que l’atteinte soit grave et extrêmement urgente et que le requérant prouve que des mesures de sauvegarde doivent être prises dans les 48 h, ce qui risque d’être difficile à démontrer.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a rejeté la requête au motif notamment qu’aucun enjeu de conservation notable n’a été identifié sur la parcelle des requérants. Ce n’est pas parce qu’on reconnaît que le droit de l’environnement est une liberté fondamentale qu’à chaque fois qu’on écrase une fourmi, le juge va ordonner un arrêt des travaux, loin de là.