Est-ce que je m’expose à des dommages et intérêts en attaquant un permis de construire ?

Publié par SEO750115 le

Votre voisin vient d’afficher un permis de construire sur son terrain. La future construction vous cause un préjudice. Après analyse de la légalité du permis de construire, il apparaît que celui-ci ne respecte pas les règles d’urbanisme.

Afin de faire respecter la réglementation, vous entendez attaquer ce permis de construire devant le juge administratif, dans le but d’en obtenir la régularisation ou l’annulation. Cependant, vous vous inquiétez des frais auxquels vous vous exposez.

Le juge administratif peut-il vous condamner au paiement de dommages et intérêts pour avoir attaqué un permis de construire voisin ?

En théorie, le code de l’urbanisme prévoit, en son article L.600-7, qu’un requérant s’expose au paiement de dommages et intérêts dans le cas où le recours « est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis ».

En d’autres termes, c’est bien le comportement abusif qui est sanctionné. Cela sera par exemple le cas d’un requérant qui attaquerait un permis de construire uniquement dans le but de nuire au bénéficiaire.  

En pratique, la condamnation à des dommages et intérêts pour recours abusif est très rare en contentieux de l’urbanisme. Le juge administratif s’est tout de même déjà saisi du mécanisme en condamnant les requérants à verser 82 700€ de dommages et intérêts au pétitionnaire victime d’un recours abusif (TA Lyon, 17 novembre 2015, n°1303301). Une telle décision reste cependant anecdotique.

Ainsi, sauf à ne démontrer aucun intérêt à agir contre un permis de construire, le risque de vous voir condamné au paiement de dommages et intérêts est très minime. Le rôle de votre avocat en urbanisme est justement d’évaluer vos intérêts et vous prémunir d’un tel risque.

Notez tout de même que votre voisin a toujours la possibilité de saisir le juge judiciaire d’une action en responsabilité, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Il lui appartiendra alors de rapporter la preuve du caractère abusif du recours, de ses préjudices et du lien de causalité entre les deux.

C’est ainsi que l’auteur d’un recours abusif contre un permis de construire a pu être condamné à verser 160 000€ de dommages et intérêts (TJ Grenoble, 13 décembre 2018, n°13/04870).

Cependant, depuis la réforme de l’article L.600-7 du code de l’urbanisme, issue la loi ELAN du 23 novembre 2018, le juge judiciaire semble opérer un revirement de jurisprudence. 

En effet, la Cour d’appel de Versailles a récemment estimé que « la volonté du législateur était de faire spécialement du juge administratif le juge de la responsabilité en matière de recours abusifs contre un permis de construire, à l’exclusion du juge judiciaire » (CA Versailles, 25 octobre 2022, n°21/03384). Ce faisant, la Cour a validé l’incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif sur la question des recours abusifs en contentieux de l’urbanisme. 

/!\ L’absence de condamnation à des dommages et intérêts pour recours abusif ne vous soustrait pas à la possible condamnation au paiement de frais irrépétibles, dans le cas où vous seriez la partie perdante du procès. Ici encore, le rôle de votre avocat sera d’estimer les chances de succès de votre demande afin de prévenir les frais auxquels vous vous exposez.

Julia Durando – Juriste

Cabinet Greencode Avocats

Droit de l’urbanisme, droit de l’environnement et droit des ICPE

NICE – CANNES – GRASSE – PEYMEINADE

Catégories : Urbanisme